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Le théâtre de la mémoire est la mise en scène du texte du chapitre éponyme du roman Terra Nostra de Carlos Fuentes, traduit en français par Céline Zins. La vision du temps qui traverse ce roman est contemporain de la théorie de la relativité : tout moment est le lieu d’une série infinie de bifurcations entre une multitude de possibles. Et ces possibles continuent leur œuvre « au-dessous » de l’histoire réelle, pouvant à tout moment s’actualiser dans un événement non prévu et improbable.
En plein XVIème siècle, engagé comme traducteur auprès de Valerio Camillo, l’étudiant espagnol Ludovico découvre, avec curiosité et étonnement, l’invention du philosophe vénitien : un théâtre qui représente tous les événements réels et imaginaires, du passé du présent et du futur. Une formidable machine conceptuelle qui ouvre la voie à la mémoire absolue : la mémoire de ce qui aurait pu être et qui ne fut point… Camillo sera dénoncé comme hérétique, mais Ludovico respectera jusqu’au bout ses promesses. L’invention du Domine ne sera pas détruite. Elle parvient jusqu’à nous, avec une modernité insoupçonnée.
Mémoriser, oublier, faire confiance, pouvoir imaginer un autre possible, une autre écriture de la vie, voilà des enjeux contemporains, qui touchent les individus, les familles, les métiers, les institutions, mais tout autant les mondes culturels, les langues, les peuples dans le temps mondialisé et concurrentiel d’aujourd’hui. Du coup, tout ce qui a trait à la mémoire prend une dimension sensible : qu’est-ce que la mémoire ? comment fonctionne-t-elle ? comment se relie-t-elle à l’identité ? à la capacité d’agir ? comment nous situons-nous dans notre temps, avons-nous les ressources pour imaginer un autre avenir ?
On est à Venise, ville mystérieuse et fantastique. En phase avec la mémoire, l’imaginaire de Fuentès. On pense au Carnaval de Venise, sonore et multicolore. C’est cet univers que nous avons tenté de convoquer : chaleur et rudesse des vidéos qui balaient le plateau, musique contemporaine entre les différentes scènes. Un bain d’images et de sons jouant sur les contrastes, la chorégraphie des trajets et la gestuelle des corps.
Centre Culturel de la Ricamarie (Loire), mars 2011.